Même s’il faut une autonomie générale de l’apprenant, les dispositifs de FOAD peuvent s’adapter à tous les publics. J’ai pu observer que des élèves en situation d’illettrisme pouvaient être plus autonomes avec un ordinateur qu’avec un papier et un crayon. Situation qui semble paradoxale mais il s’avère que plusieurs recherches et expériences montrent que « la FOAD semble bien adaptée à la problématique d’apprentissage des publics illettrés » [8]. En effet, en situation d’illettrisme, la thèse de Joëlle Arnondo montre que l’usage des TICE et la FOAD en « face à face pédagogique à distance » sont tout à fait pertinents. Pour des personnes peu littéraciées, la formation à distance et l’usage des TICE permettent d’une part, de viser et de réaliser un objectif de socialisation et d’autre part, d’inciter « les apprenants à se structurer et à développer des compétences métacognitives » [9]. Yves Ardourel [10] précise qu’en situation d'illettrisme il faut penser à la "double autonomie" nécessaire aux apprenants en FOAD au niveau de l'autonomie face à l'apprentissage et de l'autonomie face à l'outil numérique.
Quel accompagnement mettre en place dans l’autonomisation ?
Penser l’autonomie de l’apprenant en FOAD nécessite donc de « repenser l’acte de formation » [11] puisque la conception du dispositif, des cours et l’instrumentation technique doivent prendre en compte la dimension de l’autonomie générale. Adapter l’ingénierie de la formation est indispensable pour que la formation à distance soit efficace.
Enseigner à distance c’est accompagner, chatter, participer aux échanges : prioriser la relation est indispensable. C’est aussi scénariser le cours et recourir à des outils didactiques numériques tels que le diaporama sonorisé ou la vidéo qui permettent de produire des ressources avec lesquelles les apprenants s’approprient des savoirs ciblés et souvent de manière plus ludique qu’en présentiel. C’est aussi penser l’autonomisation et l’accompagnement vers l’autonomisation [12]. Le formateur attend une autonomie générale et vise à ce que l’apprenant soit en capacité à « prendre en main » le dispositif. Le formateur est un guide, une accompagnateur pédagogique vers la capacité qu’a l’apprenant à « se prendre en main » pour apprendre de lui-même.
Je pense qu’il n’y a donc pas un système d’accompagnement idéal, pas une autonomisation plus performante qu’une autre et le formateur doit ajuster sa pédagogie et s’ajuster pédagogiquement en fonction de la dynamique d’autonomisation de l’apprenant c’est-à-dire en fonction de sa capacité à apprendre de lui-même, mais pas seul.
Penser la présence à distance
La distance qu’implique une FOAD est avant tout géographique. Annie JÉZÉGOU [13] montre qu’il existe un sentiment de « présence à distance », indispensable à la réussite de la formation. L’auteure décrit des processus interactionnels entre l’apprenant et le formateur qui doit assurer une présence socio-cognitive, une présence socio-affective et une présence pédagogique. Notons que l’enseignant peut parfois être plus présent à distance qu’il ne l’est en présentiel.
À travers mon expérience de création d’organisme de formation en Français Langue Étrangère, dont une partie se déroule en FOAD, je peux dire que le distanciel et le présentiel se nourrissent mutuellement, il ne s’agit pas de deux mondes séparés. Le distanciel demande au formateur de développer de nouvelles compétences et une autre manière de penser la formation. Le formateur-tuteur à distance crée, utilise de nouveaux outils didactiques, développe des compétences numériques qu’il transfère souvent dans ses cours en présence.
Pour conclure, il semble évident que les nouvelles technologies impactent les pratiques de tous. L'évolution des FOAD est liée à trois facteurs en évolution dans nos sociétés contemporaines : les technologies de l’information et de la communication, les besoins d’acquérir et d’approfondir des compétences professionnelles pour la performance des entreprise et les exigences de conception et de réalisation des processus de formation. Utiliser les TICE à l’école, dès la maternelle, en enseignement secondaire et supérieur a forcément des impacts sur les représentations, sur les pratiques sociales et les pratiques professionnelles [14].
Le défi de l’enseignant est d’utiliser les TICE d’un point de vue instrumental et d’un point de vue relationnel. Il ne s’agit pas d’opposer le distanciel et le présentiel puisque les dispositifs de formation sont différents et peuvent être complémentaires. Dans tout type de formation, la communication interpersonnelle, autrement dit le dialogue, est un outil de médiation et de médiatisation incontournable pour la réussite de tout type de formation.
Christel CECCOTTO, Formatrice Responsable de CLF, février 2015.